lundi 5 mai 2014

Le métabolisme Bourguignon

L’association Alterre Bourgogne vient de publier, dans sa revue trimestrielle “repères”, une comptabilité des flux de matières en Bourgogne. Une étude suite aux questions: “D’où viennent les matières et les produits consommés en région ? Et avec quels impacts sur l’environnement cette circulation de matières se fait-elle ?”
Le document fait réfléchir:
Du bois, de blé, du sable, des produits pétroliers, des produits manufacturés,…, un bourguignon mobilise 33 tonnes de matières par an, soit 90kg par jour ! 60% des matières mobilisées sont issues de ressources non renouvelables (matériaux de construction, combustibles fossiles, minerais métalliques et produits à base de métaux,…). 32% des matières mobilisées ressortent vers la nature sous forme de déchets enfouis, émissions dans l’air ou dans l’eau,… Le recyclage permet d’éviter de l’ordre de 21 % des rejets, mais sa participation à la réduction des besoins en matières n’est que de 9%.
Les produits agricoles sont aussi quantifiés: En 2010, plus de 12 millions de tonnes ont été récoltées en Bourgogne et plus de 5 millions de tonnes importées. Sur ces 17,5 millions de tonnes mobilisées, 9,5 millions de tonnes sont destinées à la consommation intérieure et près de 8 millions aux exportations. A savoir aussi que la Bourgogne a récolté 69 kg/habitant de fruits et légumes, alors qu’elle en a consommé 178 kg/habitant (consommation + pertes)

Les impacts extérieurs
Le document pause les bases d’une réflexion sur les flux de matières en Bourgogne, en mettant aussi l’accent sur la nécessité de limiter les intrants (ressources naturelles) et de limiter les sortants (déchets et émissions vers la nature). Ces limitations sont nécessaires car ce que nous faisons ici a des répercutions là-bas. Le rapport “Terres Volées. Comment la surconsommation en Europe alimente les conflits fonciers dans le monde” met en évidence les liens entre nos pratiques de consommation et les besoins en terres qui en découlent. “La terre est une des choses qui paraît le plus aller de soi.
C’est largement dû à l’invisibilité de sa contribution dans nos denrées alimentaires et articles de consommation or elle est primordiale pour produire nos céréales, fruits et légumes, mais aussi le bois qui sert à fabriquer nos meubles ou notre papier, les substances minérales requises pour la construction de nos maisons et nos routes, ainsi que les minerais qui sont à la base d’objets usuels tels qu’ordinateurs et téléphones portables. Beaucoup d’entre nous oublient ce lien entre les produits consommés en quantités toujours plus grandes et le rôle central de ces consommations dans les changements d’affectation des sols, la dégradation des écosystèmes et les conditions de travail déplorables dans d’autres régions du monde.”

Les matières mobilisées
En ajoutant tous les flux, le document d’Alterre Bourgogne indique que notre besoin en matières s’élève à 125 tonnes par habitant et par an ! Une estimation qui prendrait en compte les ressources qui ont été nécessaires en dehors de la Bourgogne. Le rapport L’obsolescence programmée, symbole de la société de gaspillage est intéressant pour se faire une idée de ces “ressources nécessaires en dehors”. “En Europe, on considère que la production d’une tonne de déchets municipaux équivaut à la consommation en amont de 100 tonnes de ressource. (…) Un Européen consomme ainsi 43 kg de ressources par jour, contre 10 kg pour un Africain. Cette dernière décennie, la demande en métaux a explosé en partie du fait de la production croissante d’appareils électriques et électroniques.” Et les conséquences son terribles: “Outre les impacts directs sur l’environnement tels l’excavation de grandes quantités de terre engendrant le défrichage des sols, l’élimination de la végétation et la destruction des terres fertiles, cette course aux premières matières a des conséquences humaines et sanitaires désastreuses”.

Vers une transition
Des flux de matières quantifiés avec des ressources naturelles limitées, maintenant que fait-on ? Le document d’Alterre Bourgogne insiste sur le recyclage, sur la réduction du gaspillage alimentaire, ou encore sur le principe de l’économie de fonctionnalité. Dans le milieu écolo, la question de la fin du pétrole est bien connue, avec les initiatives de villes en transition comme solution. Lors de la signature de la charte illico2 par le Grand Dijon, monsieur Gérard Magnin avait fait une conférence très intéressante sur la transition énergétique, mêlant des explications sur l’importance d’être sobre dans l’utilisation des matières non renouvelables et les aspects économiques en découlant. Tout était dit.

Le document d’Alterre Bourgogne est loin de répondre à toutes les questions, mais il a le mérite de poser des questions que peu de personnes se posent. Des questions qui ouvrent les yeux sur la façon dont nous vivons, sur l’impact de nos sociétés dîtes modernes. Le métabolisme Bourguignon est dépendant de la nature, ne l’oublions jamais.

(article publié le 5 mai dans les chroniques de miroir-mag)

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