L'association
Paysages de France, qui «lutte contre la pollution visuelle et pour la préservation de nos paysages» dénonce le règlement intercommunal de publicité de la Métropole, «l’un des pires contre-exemples de ce qu’il convient de faire», et appelle les maires à «reprendre la main».
Communiqué de l'association Paysages de France :
"Le 25 juin 2015, le Grand Dijon (devenu Dijon Métropole en avril 2017) décidait de se doter d’un règlement intercommunal de publicité destiné à encadrer notamment l’exploitation des panneaux publicitaires, panneaux dont chacun sait quels effets désastreux ils peuvent avoir sur l’image d’une collectivité et la qualité de vie des habitants.
Or le projet, élaboré dans des conditions pour le moins contestables [1] avec l’assistance du cabinet d’études Cadre & Cité, est sans doute l’un des pires contre-exemples de ce qu’il convient de faire en la matière ! Il est hélas facile de le démonter.
Un exemple ? Partout sur les trottoirs, des panneaux quatre fois plus grands qu’à Paris !
Le sort réservé à Dijon Métropole dans ce projet de règlement est en effet particulièrement édifiant : on y apprend notamment qu’en tous lieux, y compris dans les secteurs les plus sensibles, on prévoit d’autoriser sur les trottoirs des panneaux d’une surface 4 fois plus grande que la maximum admis à Paris !
Un choix certes aberrant, notamment concernant un territoire "labellisé" par l’UNESCO… mais pas forcément pour tout le monde (voir ci-dessous «conflit d’intérêts») !
De nombreuses mesures de ce projet, «accompagné» donc par le cabinet Cadre & Cité, apparaissent avant tout comme taillées sur mesure pour les afficheurs ou pour tel opérateur ainsi que le démontrent les exemples ci-dessous.
Au point que l’une d’entre elles consiste, non pas à mieux protéger le territoire concerné, mais à y introduire sciemment et massivement cette pollution dans des lieux où, en l’absence de RLPi, toute publicité serait interdite !
La question qui se pose aujourd’hui, alors que l’enquête publique est en cours, est donc de savoir, quels que soient les résultats de cette dernière, si Dijon Métropole veut vraiment se laisser imposer un règlement intercommunal de publicité aussi calamiteux que le projet actuellement envisagé.
«Site UNESCO des Climats du vignoble de Bourgogne», «cœur historique des communes», «rives des cours d’eau», «patrimoine bâti d’intérêt local», etc. : SACRIFIÉS !
La zone 1 du projet de règlement regroupe notamment tous les lieux, identifiés pour leur sensibilité toute particulière. Le simple bon sens voudrait qu’ils fassent l’objet d’une protection renforcée.
Or que propose le projet ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, il propose d’autoriser dans tous ces secteurs savamment répertoriés des publicités géantes sur bâches de chantier partout et même des publicités sans limites de surface à Dijon. Du jamais vu !
Mais ce n’est pas tout. Il se propose également d’envahir les trottoirs et donc l’espace commun en y autorisant l’implantation sans frein (surface maximale, nombre maximum) de panneaux publicitaires scellés au sol, ceux-là mêmes qui font partie des pires symboles de la pollution en matière d’affichage publicitaire.
Et comme si cela ne suffisait pas, d’autoriser que ces panneaux diffusent des images numériques et donc d’admettre même en de tels lieux les dispositifs les plus agressifs, perturbants et accidentogènes.
Autoriser la publicité là où, en l’absence de RLP, elle serait interdite
La «zone 1» couvre également les sites patrimoniaux remarquables (SPR) ainsi que les abords des monuments historiques. La réglementation nationale y interdit toute publicité (article L. 581-8 du code de l’environnement). Or que prévoit le projet de Dijon Métropole ?
Ni plus ni moins de déconstruire la protection dont bénéficient normalement ces lieux ultra-sensibles en dérogeant à cette interdiction, autrement dit d’autoriser la publicité et les nuisances [2] qu’elle engendre, là où en l’absence de RLPi elle serait interdite !
Et cela massivement et de façon totalement inconsidérée puisque y seraient également autorisés les publicités géantes sur bâches ainsi que, sur les trottoirs, les «coups de poing atroces» (Michel Serres) des panneaux scellés au sol de grand format, c’est-à-dire ceux dont l’effet sur l’environnement est le plus désastreux. Et bien sûr, des panneaux du format maximum possible, et même numériques qui sont donc les pires de tous !
À l’insu des maires et de la population
Or quiconque ne connaît pas les arcanes de la loi sera immédiatement dupé par la façon de présenter les choses. En effet, nulle part il n’est indiqué dans le projet quelle règle s’appliquerait si celle qui s’applique normalement (protection absolue) n’était remise en cause. Ainsi, en l’absence de toute information claire signalant que le projet prévoit de déroger à une interdiction, quiconque pourra croire sincèrement que les mesures prévues visent à réduire l’impact de la publicité, cela alors même qu’il s’agit exactement du contraire.
Ce sont donc en particulier les maires des communes composant Dijon Métropole notamment, mais aussi la population et même les associations, généralement peu au fait des arcanes du code de l’environnement, qui sont grossièrement désinformés pour ne pas dire trompés !
D’où le risque que les aspects les plus opaques (voir ci-dessous «conflit d’intérêts») et néfastes de ce malheureux projet passent inaperçus.
Alerter les maires, la population, les associations et leur permettre de reprendre la main
La mission salutaire de Paysages de France consiste donc en premier lieu à alerter les maires afin qu’ils puissent reprendre la main et préserver leur territoire ainsi que leurs administrés d’une pollution que certains cherchent à leur imposer sans qu’il n’y paraisse. Mais aussi à alerter les citoyens, leurs relais associatifs ainsi que les services de l’État, le rôle de ces derniers étant aussi de mettre un frein, au nom de l’intérêt général et de l’image même de la France, à de telles dérives.
Polluer massivement les «sites à vocation principalement résidentielle», «les entrées de ville», «les écoquartiers», «les axes du tramway» et «les places composées» (zone 2) : QUI DIT MIEUX ?
Caricatural ! Le projet prétend faire preuve de compassion à l’égard des habitants en leur épargnant, sur le domaine privé uniquement, les panneaux scellés au sol de grand format. Mais ce que l’on prévoit de réduire sur le domaine privé, on l’autorise, ici encore, sans frein aucun sur les trottoirs ! C’est donc aussi une zone où, comme il le fait pour les autres y compris en zone patrimoniale (zone 1), l’inspirateur du projet joue sa propre partition .
On y apprend en effet que, comme ailleurs, la publicité sur mobilier urbain n’y est soumise à aucune restriction , et pour cause ! De même, y sont autorisées, sans frein aucun, les publicités géantes (sur bâches, sans limites de surface !). Quant aux entrées de ville, ces poubelles publicitaires qu’il convient pourtant de réhabiliter, le même sort leur est réservé. Enfin, on découvre que, selon ce projet, un «écoquartier» serait un quartier que la collectivité décide non pas d’épargner de la pollution, mais de polluer !
Livrer les "vitrines de la ville" aux afficheurs (zone 3, «axes routiers structurants»)
C’est le type même de zone taillée sur mesure pour les afficheurs, où tout ou presque est permis (publicités scellées au sol de grand format, éclairées, numériques, publicités sans limites de surface, enseignes géantes sur toitures, enseignes scellées au sol du format maximum possible). Et rien n’étant spécifié concernant les publicités lumineuses sur toiture, ce sont le format maximum et le nombre maximum qui de facto s’appliquent !
La seule mesure envisagée pour endiguer cette débauche est de n’autoriser l’implantation de panneaux que «sur les unités foncières dont le côté bordant la voie ouverte à la circulation du public [dépasse] 20 mètres linéaires» (sic), ce qui, nonobstant le côté dérisoire et même ridicule qui saute aux yeux, revient en réalité à organiser un cadencement de la publicité, idéal pour les afficheurs.
Conforter «l’abomination» des «zones d’activités» et des «centres commerciaux périphériques» au lieu de les réhabiliter et de les "verdir" (zone 4) !
Autre aberration qui témoigne d’une absence totale de réflexion sur les enjeux environnementaux : plutôt que de réhabiliter ces lieux dévastés et de les "verdir" ne serait-ce qu’un peu, le projet propose de conforter « l’abomination » (Michel Serres) qui caractérise si souvent ce genre de zones. Toute la panoplie des horreurs est donc au rendez-vous.
Là encore, c’est faire très exactement l’inverse de ce qu’il convient de faire. Limiter la consommation énergétique en installant des centaines de panneaux lumineux !
L’un des objectifs prétendus de ce projet (point F des «règles générales à toutes les zones») serait une «réduction de la facture énergétique». Un comble lorsqu’on sait que ce même projet propose d’autoriser massivement et notamment sur le domaine public des panneaux non seulement énormes, mais éclairés et motorisés, voire de véritables écrans de télévision.
Bref, le monde à l’envers puisque ce serait faire de la Métropole, celle-là même qui donnerait le mauvais exemple !
Des mesures cache-misère et dérisoires en lieu et place des solutions à apporter
On n’en finirait plus de relever tout ce qui fait de ce projet un "parfait" contre-exemple de ce qu’il convient de faire, sans oublier les lacunes, parfois énormes, le non-dit qui a pour effet de désinformer et l’opacité qui recouvre certains choix.
Mais si le sujet n’était grave, il y aurait de quoi sourire aussi rien qu’à énumérer les mesures aussi dérisoires qu’alambiquées qui sont proposées ici et là, tel un rideau de fumée pour dissimuler les vrais enjeux.
Certes il y avait le «gag» (de très mauvais goût il est vrai) de la «réduction de la facture énergétique». Mais on trouvera aussi que «lorsque le dispositif est simple face, son dos est habillé de manière à ne pas nuire au caractère comme à l'intérêt des sites et paysages avoisinants» et que «la face exploitée et l’habillage du dos ne doivent pas présenter de séparations visibles». Important, non ?
Quant à la cerise sur le panneau, elle fait partie, elle aussi, des «règles générales à toutes les zones» et elle n’est pas triste : à défaut de s’en prendre au panneau, on le bichonne. Le point D «entretien» met en effet un point final aux doutes que l’on pourrait avoir sur ce projet : on y apprend que «les produits nettoyants utilisés pour l’entretien des dispositifs doivent être neutres pour l’environnement».
Ouf, on avait eu peur !
Conflit d’intérêts (?)
Le cabinet d’études qui, a accompagné ce projet a été créé par un ancien cadre du groupe JCDecaux. Son activité, outre celle concernant l’aide à l’élaboration de RLP/RLPi, porte également sur le «conseil» aux collectivités pour la mise en place de contrats de publicité sur mobilier urbain. Ledit cabinet met en avant son rôle d’intermédiaire et se fait fort de mettre en relation les collectivités avec des sociétés «proposant aux villes des matériels souvent innovants et des prestations de qualité».
La place donnée à la publicité sur mobilier urbain dans les projets de RLP suivis par ce cabinet s’avère d’ailleurs systématiquement considérable (absence de toute règle de densité, surfaces maximales et publicité numérique chaque fois que possible), et même exorbitante (secteurs réservés exclusivement à ce type de dispositifs). Enfin, l’associé du dirigeant de cette entreprise a occupé pendant près de 10 ans la fonction de directeur régional de la société JCDecaux, période durant laquelle il gérait notamment les contrats de mobilier urbain.
Difficile, dans ces conditions, de ne pas évoquer un possible conflit d'intérêt.
[1] Alors que, en vertu des dispositions de l’article L. 132-12 du code de l’urbanisme, Paysages de France devait être consultée dans le cadre de la concertation et que, partant, il fallait qu’elle dispose du projet de règlement pour faire part de son avis et de ses observations, c’est seulement dans le cadre de la présente enquête publique que l’association a enfin pu en avoir connaissance. La procédure est donc d’ores et déjà entachée d’illégalité.
[2] Les textes relatifs à la publicité, aux enseignes et préenseignes figurent au chapitre 1er du titre VIII du Livre V du code de l’environnement, lequel traite de la «prévention des pollutions, des risques et des nuisances»."