Début mai, les Associations Environnementales de l’Est Dijonnais (AAED) mettaient en ligne une pétition contre le projet d'aéroport civil dijonnais, le projet "Renaissance". Ceci n'a visiblement pas échappé à la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) de Dijon (porteur du projet). Ainsi mi-mai, patrick Laforêt, président de la CCI, lançait lui aussi une pétition en ligne, cette fois pour soutenir le projet. Une bataille digne de David contre Goliath. L'AAED n'est qu'un groupement d'associations locales animé par des bénévoles, tandis que la CCI, armée de salariés, d'un réseau d'adhérents (12500 entreprises), d'une puissance financière certaine et depuis peu par l' association des amis de l'aéroport, n'a pas tardé à écraser la première pétition du point de vu du nombre de pétitionnaires (environ 150 contre 3700).
Il faut dire que la CCI a usé de son réseau d'entreprises adhérentes par mailing-liste, a semble-t-il fait circuler la pétition à l'Ecole Supérieure de Commerce (ESC) et a usé très certainement d'autres réseaux.
Mais quelle est la pertinence de ce projet?
Deux arguments reviennent souvent dans la pétition de la CCI: "croissance économique" et "tourisme". Voila semble-t-il, ce qu'apporterait le développement de cet aéroport civil. La CCI veut faire venir des compagnies aériennes, dont des low-cost. Intéressant? Pour se faire une idée, petit détour sur l'actualité. Un article de l'Expansion du 22/05/2008, indique que "l’emballement pétrolier se répercutera forcément sur le prix des billets (à la hausse du fait des surtaxes carburant) et donc sur le niveau de la demande (à la baisse) ; ce qui mécaniquement obligera les transporteurs à réduire la voilure pour ne pas se retrouver en sur-capacités. Des billets plus chers, donc moins de passagers et in fine, moins d’avions et moins de destinations. Voilà la spirale infernale qui guette la plupart des transporteurs aériens, dès lors que l’économie du secteur n’est pas apte à supporter durablement un baril à 100 dollars et plus." Une dépêche de l'AFP du 28/05/2008 indiquait que "La compagnie aérienne australienne Qantas a annoncé mercredi qu'elle allait réduire son activité d'environ 5% en supprimant des lignes, des services et des emplois, et en retirant plusieurs avions du service afin de compenser les prix élevés du carburant. Plusieurs lignes domestiques opérées par Qantas et Jetstar, sa compagnie low-cost, seront fermées, tandis que d'autres services seront réduits." Même constat dans La Tribune du 22/05/2008. Et le prix du pétrole ne va qu'augmenter comme l'indique un article du journal Le Monde du 22/05/2008 puisque "les marchés spéculent désormais sur une pénurie de pétrole pour 2016", d'où une augmentation inéluctable du prix du billet. Pour l'anecdote, il ne faut pas oublier le prix du billet Dijon-Nevers.
Un autre point surprenant dans cette pétition, c'est qu'il y a des gens de l'ESC (voir n° 52, 116, 3515, 3559, 3595, 3712 ). Ceux-ci auraient-ils séchés LE cours à ne pas rater cette année? Celui de Jancovici. Ils auraient pu au moins lire le texte de rattrapage concernant l'aviation de ce dernier...
L'aspect économique est étroitement lié à l'aspect écologique. Les avions rejettent (en autre) beaucoup de CO2 (gaz à effet de serre). Jusqu'à maintenant, l'aviation n'est pas prise en compte dans les calculs de taxe carbone, mais ça ne va pas durer, d'où une augmentation inéluctable du prix du billet. Un point "amusant" est la phrase: un aéroport "compatible avec le développement durable" sur la page de la pétition. Ceci est impossible. D'ailleurs, cela avait bien été souligné dans le Grenelle de l'Environnement.
Une petite note sur l'argument "tourisme". Il est possible de faire venir (train, co-voiturage) des touristes sur des arguments purement écologiques. Ainsi, la Revue Durable (N°28) donne le nombre de visiteurs en 2007 qui se sont déplacés spécialement pour visiter les fameux quartiers écologiques: Vauban (5000); Bedzed (3000); Hammarby Sjöstad (6000) et Bo01 (3000). Preuve que "écologie" peut rimer avec "tourisme", et peut aussi intéresser des économistes comme localement avec la salle de sport de Savigny le Sec.
Alors, qui veut continuer à signer POUR le réchauffement planétaire? Ne vaut-il pas mieux investir dans un avenir écologique afin de s'adapter en douceur à la fin du pétrole et ses conséquences, et ainsi éviter à devoir se comporter comme des "survivalistes américains"? Quoiqu'il en soit, si ce projet aboutit, la ville de Dijon perdra très certainement sa Marianne d'Or de l'Environnement.